samedi 3 novembre 2018

Le talent de Napoléon : Napoléon Bonaparte vu par la théorie des talents

Fabien Laurand. Le coup d'oeil de Napoléon, Le domaine d'excellence de Napoléon Bonaparte, Le talent de stratège de Napoléon, Intelligence visuelle et spatiale de Napoléon. Le talent de stratège de Napoléon Ier ; Napoléon par la théorie des talents. Nous avons déjà vu que Napoléon avait organisé sa postérité et son mythe de façon si convaincante qu’il était difficile de déterminer ses véritables motivations. Dans sa vie, il a fait preuve d’une activité si débordante qu’il est difficile de s’y retrouver.  Bonaparte nous a laissé un héritage qui perdure. S’il a marqué de son empreinte l’État-nation français, il a aussi diffusé l’idéologie de l’État-nation au-delà de nos frontières. Napoléon a bénéficié de circonstances favorables. La Révolution française lui a évidemment permis de se distinguer. Mais d’autres hommes ont vécu à cette époque. Et pourtant, tous n’ont pas marqué leur temps comme l’a fait Napoléon Bonaparte. Pour Stendhal, Napoléon Bonaparte est « l’être le plus admirable par ses talents qui ait paru depuis César, sur lequel il nous semble l’emporter. » (7)  Tentons d’examiner en quoi Bonaparte se distinguait tout particulièrement de ses semblables.

Je vous suggère de lire mes articles sur Napoléon Bonaparte dans l'ordre suivant :

Nous avons déjà vu que Napoléon avait organisé sa postérité et son mythe de façon si convaincante qu’il était difficile de déterminer ses véritables motivations. Dans sa vie, il a fait preuve d’une activité si débordante qu’il est difficile de s’y retrouver.
Bonaparte nous a laissé un héritage qui perdure. S’il a marqué de son empreinte l’État-nation français, il a aussi diffusé l’idéologie de l’État-nation au-delà de nos frontières.
Napoléon a bénéficié de circonstances favorables. La Révolution française lui a évidemment permis de se distinguer. Mais d’autres hommes ont vécu à cette époque. Et pourtant, tous n’ont pas marqué leur temps comme l’a fait Napoléon Bonaparte.
Pour Stendhal, Napoléon Bonaparte est « l’être le plus admirable par ses talents qui ait paru depuis César, sur lequel il nous semble l’emporter. » (7)

Tentons d’examiner en quoi Bonaparte se distinguait tout particulièrement de ses semblables.

Masson relève que Bonaparte a été très reconnaissant avec ceux qu’il aimait ou qui l’ont aidé. Il n’a jamais oublié sa nourrice Camilla dont il était très proche. Il lui a donné de l’argent et des biens immobiliers. Il se souvient de son professeur de grammaire à Brienne et gratifie son frère. Premier consul, il octroie une pension à l’aumônier de l’école de Brienne. Il n’a pas oublié non plus certains collègues de promotion de l’école militaire et l’ancien directeur des études de l’école. Masson multiplie les exemples illustrant la reconnaissance de Napoléon (5). Fautrier constate enfin que Napoléon Bonaparte dédommageait largement les femmes qui ont été liées à lui, que ce fût de façon platonique ou non (4). Chaptal, lui aussi, écrit que Napoléon était très reconnaissant avec ceux qui l’avaient aidé. Mais il ajoute que Napoléon se souvenait tout aussi bien de ceux qui avaient été durs avec lui et n’hésitait pas à les punir (1).

Il dormait très peu.

Chaptal qui a vu l’empereur à l’œuvre écrit : « Travaillant jusqu’à vingt heures par jour, on n’aperçut jamais ni son esprit fatigué, ni son corps abattu, ni aucune trace de lassitude… » (1) Cette caractéristique lui a certes permis de travailler plus que s’il avait dormi dix heures par nuit. Mais elle n’explique pas, à elle seule, son destin exceptionnel.

Il pouvait multiplier des travaux sans jamais en perdre le fil.

Cette capacité d’action « multitâches » est une qualité assez rare, mais pas exceptionnelle.

Il était doté d’une mémoire impressionnante mais sélective.

« Napoléon était doué d’une mémoire extraordinaire, mais il avait surtout celle des chiffres et celle des noms. » (1) Chaptal précise : « Il suffisait à Napoléon d’avoir vu un homme une seule fois dans les voyages en province pour que, dix ans après, il se rappelât son nom, son département et son état. Napoléon avait toute son armée dans sa tête. » (1) Cette capacité révèle une intelligence visuelle et spatiale hors du commun. Or il est impossible d’être un grand stratège sans disposer d’une intelligence visuelle et spatiale a minima élevée.
Napoléon est peut-être l’inventeur de la propagande moderne. Cette invention s’explique avant tout par une réelle imagination mise au service de sa gloire et de son destin unique. Une telle imagination, une telle créativité est une caractéristique de type 4, que Napoléon a mis au service de son ego démesuré. La propagande peut aussi être rapprochée des qualités de communicant du type 3. Or Napoléon a vraisemblablement développé une aile trois.

Il avait un comportement addictif au travail.

Cette caractéristique a servi son œuvre, mais elle n’en est pas l’élément déterminant. En effet, beaucoup d’individus sont « accros » au travail sans pour autant marquer l’histoire comme Bonaparte. En outre, le travail forcené de Napoléon peut s’expliquer par un sentiment de manque que ressent le type 4, mais aussi par un sentiment d’urgence, car il était certain de mourir jeune.
Il était un excellent comédien. Il simulait des colères et manipulait les autres grâce à sa connaissance des émotions. De telles capacités de théâtralisation des émotions et de manipulation se retrouvent chez le type 4 de l’ennéagramme.
Jusqu’ici, nous avons recensé des qualités et des caractéristiques intéressantes qui, lorsqu’elles coexistent chez un même individu, lui assurent un avantage. Mais il nous reste encore à découvrir le domaine d’excellence de Napoléon Bonaparte.
Bonaparte a très tôt montré de grandes dispositions pour conduire des manœuvres et des stratégies militaires (2). La suite de son existence n’a fait que confirmer son excellence dans ce domaine.
Clausewitz décrit Napoléon Bonaparte comme un « Dieu de la guerre. » Le chapitre 3 du livre premier de son œuvre, De la guerre, nous ouvre une piste intéressante.
Selon Clausewitz, le génie militaire résulte non pas d’une qualité unique, mais de l’union harmonieuse des capacités. Ici, nous nous intéresserons plus particulièrement à deux capacités décrites par Clausewitz (3).
Comme la guerre est à la fois le domaine de l’incertitude et du hasard, elle exige deux qualités particulières pour faire face à l’imprévu. D’une part, le coup d’œil de l’esprit permet de déterminer très rapidement les tenants et aboutissants d’une bataille, comme l’identification du meilleur point d’attaque. D’autre part, l’esprit de décision ou courage de l’esprit permet de prendre une décision opportune et raisonnable dans une situation difficile.
Clausewitz ajoute que le parent de ces deux qualités est la présence d’esprit qui consiste à agir avec pertinence et promptement pour dompter l’imprévisible.
À ce sujet, le général Clarke souligne son « extrême promptitude à changer ses plans. » (6)

Le coup d’œil de l’esprit de Bonaparte reposait sur une intelligence visuelle et spatiale très élevée.

Si Bonaparte avait une prédilection pour le champ de bataille, son bilan en tant que chef d’État démontre que son talent ne se limitait pas à la guerre.
En fait, Napoléon avait une capacité exceptionnelle à saisir très rapidement une situation complexe et incertaine à partir d’informations parcellaires. Une fois qu’il avait saisi l’ensemble de la situation, il en connaissait les leviers fondamentaux : les points forts et les points faibles de ses adversaires et les marges de manœuvre dont il disposait. En outre, comme il était prompt à l’action, il pouvait prendre toutes les mesures pour s’assurer un avantage souvent décisif. Enfin, son talent ne s’appliquait pas seulement à la guerre, mais à toute situation qui exigeait de prendre des mesures urgentes.

En bref, Bonaparte avait le talent de saisir une situation, caractérisée par un fort degré d’incertitude et une urgence certaine, dans son ensemble, de s’en emparer et de se projeter dans l’action immédiatement.

Napoléon Bonaparte était conscient de son talent et l’a utilisé de façon systématique. Le talent ne s’use pas quand on l’utilise à l’inverse des tactiques qui deviennent prévisibles et donc moins efficaces lorsqu’on ne les renouvelle pas.
Voici d’ailleurs ce que Napoléon Bonaparte disait au sujet de la guerre : « Tout homme peut former un plan de campagne, mais peu sont capables de faire la guerre, parce qu’il n’appartient qu’au génie vraiment militaire de se conduire d’après les événements et les circonstances. C’est ce qui fait que les meilleurs tacticiens ont été assez souvent de mauvais généraux. » (1)
Son talent a été le socle de sa réussite exceptionnelle dès sa jeunesse. Peu d’hommes connaissent leur talent ; bien moins nombreux encore sont ceux qui en sont conscients très jeunes. Napoléon a donc bénéficié d’un avantage considérable dans sa conquête du pouvoir : il avait la jeunesse, l’énergie, des capacités et des qualités intéressantes ainsi qu’un talent qu’il savait adaptés à ses rêves de grandeur. De plus, son ambition extraordinaire était alimentée par le sentiment de manque qu’il ressentait très intensément, car il était type 4. Chez lui, le sentiment de manque était étroitement associé à la nostalgie de sa patrie corse qu’il a développée dès son plus jeune âge.
Être conscient si jeune de son domaine d’excellence quand on a, par ailleurs, de réelles qualités conduit logiquement à un sentiment de toute-puissance.

Le talent ne garantit ni l’infaillibilité ni l’omniscience.

En effet, le talent a toujours un champ d’application limité. Le talent de Bonaparte n’était pleinement opérationnel que dans les situations caractérisées à la fois par l’urgence et le fort degré d’incertitude. Mais lorsqu’on est chef d’État, il y a des problèmes qui ne peuvent trouver de solutions que dans la durée.
Il aurait été souhaitable pour Napoléon d’aborder certaines situations et de résoudre certains problèmes non pas dans l’urgence, mais en « donnant du temps au temps » pour utiliser les mots de Cervantes. Mais avait-il le temps ? Visiblement pas, car il était animé par un sentiment d’urgence permanent. Napoléon Bonaparte vivait dans l’urgence. D’ailleurs, il disait à son frère Joseph : « La perte du temps est irréparable à la guerre. » (6) Son talent l’a conduit à entreprendre de nombreuses actions géniales, mais sans nécessairement les intégrer dans un projet à long terme.
Le tsar Alexandre Ier avait compris la limite du talent de Napoléon. Voici ce qu’il avait déclaré à Caulaincourt : « Les Espagnols fournissent la preuve que c’est le défaut de persévérance qui a perdu tous les États auxquels votre maître a fait la guerre. » (6)
En étudiant la vie de Napoléon Bonaparte, je me suis demandé s’il aurait pu mieux réussir sa vie.
Napoléon n’était jamais rassasié. Il rêvait de grandeur, puis de grandeurs plus grandes encore. Type 4, il ressentait le manque et en souffrait d’une souffrance mélancolique. Mais le manque était aussi son moteur. Et quel puissant moteur ! Bien entendu, Bonaparte aurait pu travailler sur son sentiment de manque pour l’assumer enfin. Mais il ne l’a pas fait. Napoléon n’a jamais vraiment été adulte, car être adulte c’est assumer le manque et renoncer à certains de ses rêves, ce que l’empereur a refusé de faire.
Mais s’il avait été un adulte raisonnable, moins outrageusement tragico-romantique et moins épris de grandeur, Napoléon aurait-il eu un destin aussi exceptionnel ? Non, assurément, mais peut-être aurait-il eu une vie plus heureuse…

Bibliographie sur Napoléon Bonaparte :

Une vie ne suffirait pas pour lire tous les ouvrages consacrés à notre imperator tragico-romantique. Cette bibliographie est donc très sélective…
(1) Jean-Antoine Chaptal, Mes souvenirs sur Napoléon, Mercure de France, 2009
(2) Arthur Chuquet, La jeunesse de Napoléon, Tomes I, II et III, Armand Colin, 1898
(3) Carl Von Clausewitz, De la guerre, édition abrégée, Perrin, 1999
(4) Pascale Fautrier, Napoléon Bonaparte, Folio, 2011
(5) Frédéric Masson, Napoléon dans sa jeunesse 1769-1793, Société d’éditions littéraires et artistiques, 1907
(6) Charles Napoléon, Napoléon mon aïeul, cet inconnu, XO éditions, 2009
(7) Jean Tulard, Le mythe de Napoléon, Armand Colin, 1971
(8) Wikipédia, consultation du 4 juin 2012

Si vous souhaitez en savoir plus sur la théorie des talents, vous pouvez lire "Découvrez vos motivations et révélez votre talent !" :
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